CHAPITRE VIII
MONDE
Vue du ciel, la planète semblait la même.
Traversant en trombe l’atmosphère, Kaufman regarda grandir l’unique continent qui se déployait à l’équateur. Il distinguait son feuillage luxuriant, ses mers et ses lacs miroitants, ses rares montagnes. Il se rapprocha, et l’étonnant kaléidoscope de couleurs apparut : Monde était plein de fleurs, cultivées et sauvages, poussant dans d’immenses champs et de minuscules terrains, violettes et bleu cobalt et rose et jaune citron et d’autres couleurs que, à l’inverse des Mondiens, Kaufman ne pouvait pas nommer. Il se rapprocha encore, et le réseau de villages éparpillés, de champs bien entretenus, de routes blanches de poussière, apparut. Rien n’avait changé. Puis ils se posèrent sur leur ancienne piste d’atterrissage, près des Monts Neury et du village de Gofkit Jemloe.
Kaufman dit, rompant le silence : « Je n’aurais jamais cru revoir cet endroit.
— Moi non plus, confirma Marbet.
— C’est la réalité partagée », remarqua Kaufman, mais cette plaisanterie était si triste, si amère, que Marbet ne répondit pas.
« Penses-tu qu’il reste quelque chose ? ajouta-t-il.
— Bien sûr que oui. Mais pas ce qu’il y avait avant. Les êtres humains ne se laissent pas abattre.
— Ce n’étaient pas des êtres humains.
— Ils en étaient assez proches », dit Marbet, mais elle ne le savait pas vraiment. Elle n’avait rencontré que quelques Mondiens, très brièvement. Kaufman non plus n’en avait pas fréquenté beaucoup ; il n’était pas aussi intuitif qu’elle (personne ne l’était), mais il avait vu « la réalité partagée » en action. Il avait été témoin de l’allègre présomption selon laquelle la conception que deux Mondiens avaient d’une situation était la même. Et du vif mal de tête dont ils souffraient quand elle ne l’était pas, mal de tête qui, comme Ann Sikorski l’avait démontré, était câblé de façon permanente dans le cerveau des Mondiens, résultat d’une évolution millénaire en présence de l’artefact extraterrestre enterré dans les Monts Neury.
Ce même artefact que Kaufman leur avait enlevé pour le donner au général Stefanak. La culture de Monde avait disparu avec lui : les suppositions partagées physiologiquement renforcées, l’impossibilité de toute violence préméditée, les structures sociales complexes du travail, de l’accouplement et du partage, tout cela basé sur le fait de ne pas pouvoir sentir différemment que ceux qui vous entouraient. Tout cela avait disparu, à cause de lui.
Il pouvait réciter par cœur le dernier message connu d’Ann Sikorski :
Ceci est le dernier rapport de l’équipe anthropologique sur Monde. Même si je pense que mon rapport ne fera pour vous aucune différence. Les autochtones de Monde survivent, mais pas sans de terribles tensions et d’innombrables morts et blessés. L’infrastructure de la communication, du commerce et de l’autorité centralisée a totalement disparu. Il y a du pillage et des émeutes, probablement pas autant que s’ils étaient humains. Ils commencent à se défendre en transformant leurs villages en petits fortins, avec des palissades et une justice locale. La civilisation planétaire a disparu avec la base biologique qui lui avait donné naissance, merci à vous. Ce qui l’a remplacé, c’est l’isolement frontalier, économiquement possible sans provoquer de famine uniquement parce que c’est une planète très fertile. Dans cet isolement, la plupart des arts non pratiques disparaîtront. Ainsi que la plus grande partie de l’industrie qui dépendait du commerce, et les échanges d’idées. La religion va sûrement se briser en morceaux. Dans une génération, Monde sera fait de très petites enclaves pré-Renaissance, et leur propre version de l’Âge des Ténèbres commencera. Mais ne torturez pas votre conscience, Lyle – ils survivent. Fin du rapport de l’équipe sur la planète Monde, Ann Pek Sikorski, biologiste, et Dieter Pek Gruber, géologue.
« Arrête ça, Lyle, dit Marbet. Ce n’était pas de ta faute. Et je suis lasse de te le dire. Essaye de contacter Ann. »
Il décrocha le telcom. Tous les satellites de communication tournaient encore autour de Monde ; ils resteraient en orbite durant des centaines d’années. On avait donné aux autochtones neuf telcoms, en faisant du troc. Mais seuls Ann Sikorski et Dieter Gruber répondraient sur cette fréquence. Kaufman laissa le telcom sonner pendant toute une minute. Personne ne répondit.
Il enregistra un message. « Ann, Dieter, si vous m’entendez, je vous en prie, répondez. C’est Lyle Kaufman. C’est une communication en temps réel ; Marbet Grant et moi sommes sur Monde. Je vous en prie, répondez. »
Marbet dit gentiment : « Lyle, mettons-nous en route vers le village. Ils sauront peut-être où sont Ann et Dieter. »
Ils ne s’étaient même pas encore armés lorsque le telcom de Kaufman sonna. Il répondit : « Allô ? Ann ?
— C’est Dieter ! » cria une voix joyeuse.
Deux années se dissipèrent et Kaufman se retrouva dans les Monts Neury en train d’écouter Dieter Gruber et Thomas Capelo discuter des effets mentaux de l’artefact enterré. Dieter Gruber, joyeux, insensible, immense blond génémod selon la conception ridiculement exagérée d’un prince teutonique. Dieter, sans lequel l’Artefact Protecteur serait resté enterré dans la caverne, au sein de la montagne, où il se trouvait depuis cinquante mille ans.
« Ach, Lyle, c’est vraiment vous ? Vous êtes revenu ? Ann, Ann, viens vite, c’est Lyle ! »
Alors, Ann Sikorski était vivante, elle aussi. Un immense soulagement envahit Kaufman. Une mort de moins sur la conscience.
« Lyle ? » La voix d’Ann, plus calme que celle de son mari, et infiniment plus dure. Ann, l’idéaliste, qui était restée dans la civilisation que les humains avaient ruinée.
« Oui, c’est moi. Et Marbet, aussi. Nous sommes sur l’ancien site d’atterrissage, près de Gofkit Jemloe. Êtes-vous au village ? Ou chez Hadjil Voratur ?
— Non, répondit rapidement Ann. N’allez ni dans l’un ni dans l’autre. Nous sommes dans un autre village, à une demi-journée de marche. Mais vous ne pouvez pas… Avez-vous un véhicule de surface ?
— Non. Seulement un appareil volant bâtard, moitié avion moitié navette. Impropre à ce genre de sauts de puce.
— Alors, ne bougez pas. Dieter va venir vous rejoindre.
— Venir me rejoindre ? Mais pourquoi…
— J’ai dit : Ne bougez pas. » La liaison fut coupée.
Marbet étudia le visage de Lyle. « Ils pensent que c’est dangereux pour nous d’aller là-bas par nous-mêmes. »
Il ne répondit pas. Voyager sur Monde avait toujours été facile, sans danger. Dans une culture monolithique où tout acte de violence blesserait autant l’auteur que la victime, celle-ci était rare. Avant.
Ils remontèrent dans la navette ; Kaufman se sentait à la fois ridicule et plein de mépris. Il avait été soldat, il avait l’expérience du combat. Marbet et lui possédaient les armes personnelles les plus récentes accessibles aux civils. Et Ann Sikorski voulait qu’il attende avant d’affronter une hypothétique armée de petits extraterrestres sans aucune histoire de guerre et avec un niveau technologique qui se réduisait à des roues de bicyclettes forgées à la main. Son humeur, habituellement calme, s’assombrit. Marbet le laissa tranquille.
Ils gardèrent la porte ouverte, s’assirent et attendirent. Pour finir, une tache floue apparut à l’horizon, qui se déplaçait très vite. Qui devint Dieter Gruber sur un vélomoteur. Il fonça vers eux, sauta de la bécane et les étreignit tous deux. « Leiber Gott ! Vous êtes vraiment là !
— Oui », dit Kaufman en s’extirpant des bras de Gruber. Ce n’était pas le style de Kaufman de se laisser embrasser. « Et surtout, vous aussi. Vous allez bien ? Et Ann ?
— Je vais très bien. Marbet, toujours aussi belle ! Mais pourquoi êtes-vous venus ? Est-ce une autre expédition scientifique ?
— Non, pas d’expédition.
— Nous sommes venus à votre secours », dit malicieusement Marbet. Elle avait reçu avec plaisir l’embrassade du géologue, et le regard qu’elle jeta à Kaufman disait que l’exubérant Gruber, éclatant de santé, n’avait visiblement pas besoin d’être sauvé. « Mais pourquoi vous ne nous laissez pas aller à Gofkit Jemloe ? »
Gruber se calma aussitôt. « Nous ne sommes pas à Gofkit Jemloe. Et chez Hadjil Voratur… ce n’est pas possible.
— Racontez-moi », demanda Kaufman. On y était. À ce qu’il avait fait à cette planète.
« Hadjil Voratur et son fils Shosaf sont morts. Tués par des maraudeurs peu de temps après la disparition de la réalité partagée. Ils ne voulaient pas nous croire quand on leur a dit de ne pas essayer de… enfin ! Gofkit Jemloe est un camp armé, sous la direction d’un cousin de la famille Voratur, quelqu’un de très dangereux. Febin Frillandif. Il a recruté une armée… Les Mondiens étaient pacifiques, vous vous en souvenez. »
Comme si Kaufman pouvait oublier.
« Pacifiques, oui, mais ils sont humains. Enfin, non. Mais quand tout a changé, les salauds qui étaient contrôlés par la réalité partagée ne le furent plus. Frillandif est en train d’assujettir tous les villages des alentours, l’un après l’autre. Il est en train d’édifier un “empire”. »
Comme Stefanak. « Et vous, Ann et Enli ?
— Nous sommes dans le village de cette dernière, Gofkit Shamloe. Ils ont essayé de l’attaquer, mais Ann et moi avions apporté avec nous des armes que, bien entendu, ils n’avaient jamais vues… et vous en avez apporté d’autres, je pense.
— Oui. » Deux ans… Gruber avait dû amasser une quantité impressionnante d’armes. Sinon le seigneur de la guerre du coin ne les aurait pas attaqués qu’une seule fois. « Vous ne pouvez pas simplement le descendre ?
— Si. Mais Ann ne me laisserait pas faire. » Au bout d’un moment, Gruber ajouta : « Quoique vous, Lyle, vous le pourriez avec votre vaisseau. »
Oui, Kaufman le pouvait. Survoler Gofkit Jemloe et le frapper avec un faisceau protonique… Non, il ne pouvait pas. Le village, et même la maisonnée du tyran, devaient être pleins de civils, d’enfants. Ann avait raison. Ces gens avaient dû imaginer leur propre moyen de supporter les despotes qu’ils n’avaient jamais eus auparavant. S’il y avait un seigneur de la guerre, il y en aurait forcément d’autres.
Marbet, qui observait Kaufman, dit à Gruber : « Vous ne voulez pas que nous vous rejoignions à cause des maraudeurs. »
Gruber eut l’air surpris. « Non, je sais que Kaufman peut se défendre. C’était pour une autre raison. Je voulais vous avertir, vous donner le temps de vous préparer.
— À quoi ? demanda Marbet.
— Il y a une autre Terrienne ici », déclara Gruber, et malgré sa surprise, Kaufman remarqua qu’il avait utilisé le mot mondien pour humains. « C’est… Scheisse, les voilà qui arrivent ! Il n’y a pas moyen d’échapper à cette femme ! »
Un autre véhicule fonçait vers eux, si vite que Kaufman eut à peine le temps de l’identifier avant qu’il soit sur eux. Un glisseur à réaction, volant à soixante centimètres au-dessus du terrain. Un énorme glisseur, à l’épais blindage, pas vraiment militaire, mais l’équivalent civil le plus proche que Lyle ait jamais vu. Il s’arrêta brusquement et la porte s’ouvrit toute grande. Une femme, furieuse, en descendit.
Marbet émit un petit grognement, mais Kaufman ne l’entendit même pas. Impossible. Mais aussi, impossible de se tromper quant à son identité, pas avec ce corps, ni cet incroyable visage ravagé…
« Marbet Grant, enfin, dit Magdalena. J’ai dû parcourir un sacré chemin avant de vous retrouver. Alors dites-moi, puisque vous semblez être la seule à le savoir… Où diable est Amanda Capelo ? »
Les yeux de Kaufman passèrent de Marbet à Magdalena, et revinrent sur la première. La Sensitive ressemblait à rien moins qu’un chat agacé ; si elle avait eu une fourrure, celle-ci aurait été hérissée. Magdalena répéta son outrageante question. « Marbet Grant, qu’avez-vous fait d’Amanda Capelo ?
— Rien du tout », cracha Marbet. Kaufman ne l’avait jamais vue ainsi : agitée, peu sûre d’elle. « Je ne sais même pas de quoi vous parlez !
— Je n’ai pas eu l’occasion de te le dire, Marbet, intervint Kaufman. Amanda a été enlevée en même temps que Tom. Les médias ne l’ont appris que vingt-quatre heures plus tard, et tu étais déjà enfermée à bord du vaisseau, aussi j’ai…» Au regard qu’elle lui jeta, Kaufman s’interrompit.
« Et tu n’as pas trouvé l’occasion de me le dire depuis, Lyle ? »
Il ne répondit rien. Kaufman ne s’était jamais beaucoup intéressé aux filles de Capelo ; il n’aimait pas beaucoup les enfants. Durant les semaines passées à bord du Cascade d’étoiles, il avait oublié Amanda. Il valait mieux ne pas avouer cela à Marbet.
« Je vois », dit celle-ci froidement ; cela ne servait à rien de taire quelque chose à Marbet. Les minuscules modifications de son langage corporel le révélaient. La Sensitive se tourna vers Magdalena. « Racontez-moi ce qui s’est passé. »
Celle-ci paraissait s’amuser de ce qui, pensait-elle, avait pu arriver entre Kaufman et Marbet. La présence d’une Sensitive, qui rendait presque tout autre humain de la galaxie au moins un peu nerveux, ne semblait pas du tout l’affecter. « Les médias ont déclaré qu’Amanda aussi avait été kidnappée, comme Lyle vient de vous le dire. Mais ce n’est pas vrai. J’ai, en divers endroits, des contacts qui l’ont facilement découvert. Cependant, je n’ai pas pu apprendre où elle se trouve. Elle est venue chez vous, à Luna City, en compagnie d’un homme non identifié. Après cela, elle s’est rendue en toute illégalité à Lowell City, à bord d’un vaisseau appartenant à Vivre Maintenant. Cependant, sur Mars, elle a disparu. Elle vous cherchait, mais à cette date, vous étiez déjà partie. »
Que sait-elle d’autre sur Marbet et moi ? se demanda Kaufman. Tout probablement. Évidemment, c’était Magdalena, la vedette chimérique d’innombrables histoires qui couraient parmi les membres des services de renseignements. Dont la plupart étaient indubitablement fausses, mais pas toutes. Magdalena trouvait ce qu’elle voulait trouver.
Il s’agita, mal à l’aise. Pour la première fois, il remarqua que trois autres passagers étaient descendus de l’hydroglisseur de Magdalena. Deux hommes génémod, à la musculature augmentée, qui ne pouvaient être que des gardes du corps, et une petite mondienne ; un enfant ? Qu’est-ce que Magdalena faisait avec un enfant de cette planète ? Et pourquoi lui, Kaufman, n’avait-il pas remarqué ces trois-là avant ? Il avait pourtant été entraîné à cela.
Il savait la réponse. Magdalena. Son visage de quinquagénaire était un peu ridé, ses yeux plus froids que ceux de presque tous les soldats auxquels Kaufman avait eu affaire. Cependant, son corps était encore spectaculaire, et possédait toujours ce magnétisme, ce pouvoir, qui émet des vibrations sexuelles autour d’une femme et non autour d’une autre. Magdalena en avait plus qu’aucune femme qu’il ait jamais rencontrée. Il avait honte d’éprouver ce qu’il éprouvait. Et il n’y avait guère de chance pour que cela ait échappé à Marbet.
Afin de dire quelque chose de rationnel, il demanda : « Pourquoi cherchez-vous Amanda ? »
Ses yeux extraordinaires se posèrent sur lui et, de nouveau, il sentit son amusement. Elle savait.
« J’ai besoin d’elle afin de retrouver mon fils. » Kaufman s’attendait à tout, sauf à cela. Il répéta, stupidement : « Votre fils ?
— Oui. Celui, quel qu’il fut, qui a kidnappé le professeur Capelo détient aussi mon fils, Laslo Damroscher. » Aux oreilles de Kaufman, Magdalena dit cela de la même voix calme, rauque (il ignorait le sous-entendu de cet enrouement !), dont elle avait dit tout le reste. Mais de toute évidence, Marbet entendit une différence. Sa fourrure invisible de chat se détendit, et elle regarda Magdalena simplement avec sa vigilance acérée habituelle.
« Cet endroit ne semble pas vraiment choisi pour discuter de tout cela. Nous rendrons-nous dans ce village que Dieter a nommé ? »
Gruber, oublié jusqu’à cet instant, fit un geste que Kaufman ne put déchiffrer. « Dieter, vous aviez hâte de vous précipiter ici, afin de les avertir de ma présence, n’est-ce pas ? Malheureusement, Essa, que voici, a entendu Ann parler au telcom. Elle m’a dit ce qui se passait. »
La petite Mondienne, qui semblait à peine pubère, se précipita et étreignit les genoux de Gruber. Il recula et tenta de la détacher de lui ; Kaufman sympathisa instinctivement avec lui. Mais la fillette maigrichonne, aux brillants yeux noirs et à la colletine brune, tint bon, babillant en mondien. Ses crêtes crâniennes se plissaient d’émotion. Kaufman regarda Marbet.
« Essa supplie Dieter de lui pardonner, traduit Marbet. Je ne parle pas encore couramment, mais je pense qu’elle dit que Pek Magdalena lui a offert quelque chose de merveilleux si elle lui disait… je ne suis pas très sûre… lui disait tout… elle lui a offert… vous n’auriez pas dû. »
Cela s’adressait carrément à Magdalena qui se contenta de hausser les épaules. Marbet et Gruber paraissaient consternés. Kaufman, le seul qui ne parlait pas du tout mondien, dit, irrité : « Quoi ? Qu’a-t-elle offert à cette petite fille ?
— Un voyage vers d’autres mondes dans son astronef, répondit Marbet. Magdalena, vous savez que ce n’est pas possible.
— Plus de choses me sont possibles que vous ne le croyez. Et pourquoi pas ? C’est une enfant entreprenante.
— Vous lui avez menti.
— Peut-être pas. »
Kaufman voyait bien que Magdalena prenait plaisir à ce duel, contrairement à Marbet. Gruber avait réussi à détacher l’enfant de lui. Elle se tenait maintenant à côté de Magdalena, et Kaufman avait l’impression désagréable qu’elles se ressemblaient d’une façon qu’il ne pouvait qualifier. Il essaya de remettre la conversation sur les rails.
« Marbet et moi, nous allons nous rendre dans ce village. Gruber, pouvez-vous nous y emmener ?
— Pas besoin, intervint Magdalena. Il y a de la place pour vous deux dans mon glisseur. Gruber peut nous suivre sur son vélo.
— Je vais avec Dieter », dit Marbet, et Magdalena sourit.
Kaufman n’avait pas le choix. Il ne connaissait pas ce territoire. Il grimpa dans l’hydroglisseur, suivi par les deux gardes du corps silencieux, semblables à des robots. Pour quelle mission avaient-ils été génémods ?
Peu lui importait. Il n’avait rien à faire avec eux, pas plus qu’avec Magdalena ; il s’assit aussi loin que possible d’elle. Ses affaires, c’était Monde et ce qu’il lui avait fait.